Le continent africain semble englué dans des difficultés politiques, économiques, sociétales qui l’empêchent de connaître un véritable décollage économique. Et si la démocratisation était la clé du développement de l’Afrique ?
Le continent de l’instabilité
Un été 2023 agité
Durant l’été 2023, l’Afrique a connu deux coups d’État successifs.
Le premier a lieu en juillet au Niger. Le président en exercice, Mohamed Bazoum, élu légalement en 2021, est pris en otage par le général Abdourahamane Tiani, responsable de la garde républicaine. Après avoir rallié à sa cause le reste de l’armée, il proclame la fin du régime. Tiani se retrouve désormais à la tête d’une junte militaire qui détient le pouvoir politique. Il a promis de rendre celui-ci aux civils. Mais pas avant une période de transition de trois années.
Un mois plus tard, le Gabon assiste à la destitution du président Ali Bongo par un coup d’État militaire, le jour même de sa victoire à l’élection présidentielle. La légitimité des élections était par ailleurs plus que suspecte, la dynastie Bongo régnant sans partage sur le Congo depuis 1967… C’est, là aussi, le commandant en chef de la garde républicaine, Brice Oligui Nguema, qui s’empare du pouvoir et devient » président de transition ». Sans surprise, il promet de remettre dans un futur proche le pouvoir aux mains des civils au terme d’un processus électoral « démocratique ». Refrain, hélas trop connu…
Une impressionnante litanie de coups d’État
Les deux coups d’État de l’été 2023 ont respectivement été les 108e et 109e qu’a connus l’Afrique depuis la vague d’indépendances de la deuxième moitié du XXe siècle. Seuls 6 pays miraculés n’ont pas subi de tentatives : l’Afrique du Sud, la Namibie, le Botswana et la Tanzanie, auxquels il faut ajouter deux États récemment créés, le Sud-Soudan (2011) et l’Érythrée (1993). D’autres sont au contraire de véritables champions du coup d’État. La Sierra Leone, le Ghana, le Burkina Faso et le Burundi en ont chacun connu une dizaine. Quant au Soudan, il s’affiche hors-concours avec ses 17 tentatives. La zone sahélienne s’avère de loin la plus touchée, et plus particulièrement en Afrique de l’Ouest.
Ces très (trop) nombreuses tentatives se soldent fréquemment par des échecs. Pour le Tchad, ce sont 5 échecs pour 7 tentatives, 3 sur 5 pour l’Éthiopie, 11 sur 17 au Soudan. Les pouvoirs politiques en place sont souvent solidement implantés, s’appuyant sur des réseaux familiaux, ethniques, communautaires ou régionaux. Ils ne se montrent pas si faciles que cela à renverser et les dirigeants au pouvoir opposent tous une sérieuse résistance.
Des guerres civiles récurrentes qui entretiennent l’instabilité
L’Afrique appartient à l’Arc des crises, une zone qui se caractérise par la récurrence de conflits de tous ordres. Le continent africain est plus spécialement touché par les guerres intraétatiques, opposant divers groupes au sein d’un même État.
Le génocide perpétré durant l’été 1994 au Rwanda a marqué profondément le monde. Environ un million de Tutsis sont massacrés en à peine trois mois par l’ethnie majoritaire hutue. Ce dramatique conflit intraétatique est un symbole, mais pas une exception.
Les guerres civiles qui ont secoué l’Afrique dans la deuxième moitié du XXe siècle ont été dévastatrices : environ 2 millions de morts au Soudan, peut-être 500 000 pour le Tchad, environ 800 000 pour l’Angola, plus d’un million pour le Mozambique. Sans compter celles, toujours à l’œuvre en République démocratique du Congo, en Éthiopie et dans bien d’autres pays. On pense en particulier à l’agitation et aux actes terroristes commis par des groupes islamistes qui frappent notamment le Nigeria, le Mali, le Niger…
Il est évident que la colonisation a créé un terreau favorable à la violence et l’affrontement. L’essentiel des pays africains est indépendant à partir des années 60 (exception faite notamment des colonies portugaises qui devront attendre 1975). Force est de constater que plus de 60 ans plus tard, le terreau est, hélas, toujours fertile…
Une démocratie en recul
L’espoir des années 90
Après l’euphorie de l’indépendance, nombre de pays africains sont devenus au fil des ans des dictatures militaires ou personnelles. Ainsi,alors qu’ils ont incarné la liberté, nombre de leaders se sont mués en autocrates refusant d’abandonner le pouvoir. Les recordmen s’appellent Hailé Sélassié (44 ans au pouvoir en Éthiopie), Mouammar Kadhafi (42 ans en Libye), Omar Bongo (41 ans au Gabon) ou encore Robert Mugabe (37 ans au Zimbabwe). Certains sont toujours au pouvoir à l’automne 2023 après plus de 30 ans de règne. C’est le cas de Paul Biya, président du Cameroun depuis 1982, vainqueur récurrent d’élections sans surprises !
Mais les années 90 sont apparues porteuses d’espoir, dans le contexte de la chute de l’URSS et de la fin de la guerre froide. Entre 1989 et 1992, vingt-sept pays font le choix du multipartisme. Des Conférences nationales, ouvrant la voie à un processus de transition démocratique, se tiennent entre 1990 et 1991 dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Le Bénin ouvre la voie, suivi par le Gabon, le Togo, le Congo, le Tchad, le Mali, le Niger ou encore le Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo).
Durant une vingtaine d’années, la démocratisation apparaît en bonne voie en Afrique, même si les résultats de nombreuses élections apparaissent plus que douteux.
Une régression démocratique depuis les années 2010
Les quinze dernières années sont marquées au niveau international par un recul démocratique et l’émergence de régimes illibéraux. L’Afrique n’échappe pas à ce retour de balancier, comme en témoignent les 17 coups d’État entrepris depuis 2010.
The Economist Intelligence Unit publie chaque année son « indice de démocratie » des États du monde. En fonction de divers critères, ils sont classés en « démocratie pleine », « démocratie imparfaite », « régime hybride » ou « régime autoritaire ».
En 2022, un seul état africain est reconnu « démocratie pleine » : Maurice, tandis que l’Afrique du Sud, le Botswana, le Cap-Vert, la Namibie, le Ghana et le Lesotho sont classés « démocraties imparfaites ». Cela laisse donc 43 pays non-démocratiques, dont 15 « régimes autoritaires ».
Un continent très riche
Puissance et perspectives agricoles
La part de l’agriculture dans le PIB africain s’élève à 23 % en moyenne et constitue une source de devises importante. Certains pays sont de véritables champions agricoles. La Côte d’Ivoire assure à elle seule près de 45 % de la production mondiale de Cacao. L’Éthiopie était en 2020 le 6e producteur mondial de café avec plus de 600 000 tonnes. À cette même date, le Kenya montait sur la 3e marche du podium des producteurs mondiaux de thé. La production de fruits tropicaux s’affirme également comme un point fort du continent. L’Angola s’est hissé à la 8e place mondiale des producteurs en étant passé de 300 000 tonnes en 2000 à plus de 4 millions de tonnes en 2020 ! Le Kenya a beaucoup investi sur l’avocat, « l’or vert », dont il est désormais le 3e producteur mondial.
De plus, l’Afrique peut compter sur un immense réservoir de terres arables. La République démocratique du Congo en possède à elle seule 80 millions d’hectares. Le chiffre grimpe à 650 millions d’hectares pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. À titre de comparaison, les États-Unis, première puissance agricole exportatrice mondiale, disposent de 95 millions d’hectares de terres cultivées.
On estime que 60 % des terres arables encore disponibles se situent en Afrique. Les perspectives économiques agricoles se révèlent donc particulièrement positives.
Des ressources en abondance dans le sous-sol
On estime que l’Afrique possède 40 % des réserves d’or mondiales, 30 % pour les minerais et 12 % pour le pétrole. C’est le continent dont le sous-sol est le plus riche.
L’or est d’ailleurs le produit le plus exporté pour plus d’une dizaine de pays, dont le Soudan, l’Afrique du Sud ou le Mali. L’Afrique du Sud apparaît particulièrement gâtée par la géographie avec une estimation de plus de 5 000 tonnes de minerai enfouies, au 3e rang mondial. Certains pays concentrent des minerais très recherchés comme la Guinée qui détient la plus grande réserve mondiale de bauxite, à la base de l’aluminium. La République démocratique du Congo est en passe de devenir le 2e producteur mondial de cuivre, derrière le Chili.
La Libye et le Nigeria possèdent des réserves pétrolières, certes loin de celles des pays du Moyen-Orient, mais qui les placent tout de même dans le top 10 mondial.
On pourrait multiplier les exemples. Le paradoxe est que beaucoup de ces pays immensément riches de ressources sont parmi les plus pauvres au monde.
L’atout démographique
L’Afrique dispose d’un formidable atout, que certains perçoivent pourtant comme un handicap : sa jeunesse. Certes, les défis actuels sont immenses pour répondre à ses besoins (alimentation, scolarisation, logements, travail…), mais la jeunesse d’une société a toujours constitué un atout, à toutes les époques. À l’inverse, les sociétés vieillissantes, comme le sont les sociétés occidentales, s’affichent souvent en perte de dynamisme. L’âge médian n’atteint pas les 20 ans sur le continent.
En 2020, avec 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique représentait un peu plus de 17 % de la population mondiale. Ce chiffre montera à 2,4 milliards d’ici 2050 et plus de 4 milliards d’ici 2100. Les démographes estiment qu’à cette date, environ 40 % de la population mondiale sera africaine.
Au-delà de l’Inde et de la Chine, les futurs géants démographiques seront le Nigeria, la République démocratique du Congo ou l’Éthiopie.
Population actuelle (en millions d’hab.) |
Population en 2050 |
Population en 2100 |
|
Nigeria |
223,8 |
374,7 |
545,7 |
Éthiopie |
126,5 |
213,2 |
323,3 |
RdC |
102,3 |
215,1 |
431 |
L’Afrique demeure toutefois une marge de la mondialisation
Des signes de développement encourageants
La croissance économique africaine, bien qu’en recul, devrait s’établir autour de 4 % pour 2023-2024. C’est davantage que la moyenne mondiale de 3 %, mais pas suffisant pour autant pour permettre un véritable développement. Plus d’une dizaine de pays sur les 54 que compte le continent devraient connaître un taux de croissance supérieur à 5,5 %. C’est le cas, entre autres, du Niger, du Sénégal, de la Gambie, de la Côte d’Ivoire ou du Togo.
Certains pays apparaissent comme de véritables locomotives économiques pour l’Afrique. C’est bien sûr le cas de l’Afrique du Sud, membre des BRICS et principal pôle du continent. Mais plusieurs pays appartiennent à ce groupe dynamique baptisé « les lions africains ». On y retrouve le Nigeria, l’Egypte, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et l’Angola. D’autres pays accélèrent leur développement. On peut penser à l’Éthiopie dont le volontarisme industriel impressionne. On y retrouve désormais la confection de vêtements à bas prix, autrefois l’apanage des pays du Sud-est asiatique.
Ces progrès économiques ont des conséquences positives pour les sociétés africaines. Ainsi, une étude publiée par l’Organisation mondiale de la santé en 2022 montre que l’espérance de vie « en bonne santé » en Afrique est passée de 46 à 56 ans entre 2000 et 2019. On se situe toujours très loin de la moyenne mondiale qui se situe en 2023 à plus de 73 ans, mais c’est une avancée significative.
L’Afrique pèse encore trop peu dans l’économie mondiale
Malgré ses atouts nombreux et les signes concrets de son développement, l’Afrique ne représente que 3 % du PIB mondial. Le PIB de l’ensemble du continent a atteint les 3 000 milliards de $ en 2022. C’est moins que le PIB de l’Inde, à peine plus que celui de la France.
L’Afrique tire la majeure partie de ses revenus de l’exportation de produits bruts, agricoles ou miniers, souvent peu rémunérateurs. D’ailleurs, environ 60 % de la population tire toujours ses revenus de l’agriculture, mais avec une productivité très faible (6 fois moindre que celle de la Chine par exemple).
Le secteur industriel représente un peu plus de 10 % de l’économie continentale et l’Afrique assure seulement 2 % de la production manufacturière mondiale.
Les revenus générés par l’exportation sont engloutis, d’une part par la croissance démographique, d’autre part par la dette publique qui s’envole. En 2022, celle-ci représentait 57 % de la valeur du PIB pour l’Afrique subsaharienne.
Enfin, l’inflation pèse lourdement puisqu’elle est supérieure à 10 % dans plus de 20 pays.
Des populations qui souffrent
Cette situation économique, dégradée, frappe de plein fouet les populations, plus particulièrement en Afrique subsaharienne. Parmi les 46 PMA (Pays les moins avancés) recensés par l’ONU en 2023, 33 sont africains. La pauvreté des états ne leur permet pas de prendre en charge les besoins primaires de leurs populations.
- La sécurité alimentaire reste un défi puisque 280 millions d’Africains sont touchés par la sous-alimentation.
- 400 millions d’Africains n’ont pas accès à l’eau potable.
- En Afrique subsaharienne, un enfant sur 13 meurt avant l’âge de 5 ans, c’est 1 sur 8 au Nigeria.
- Toujours en Afrique subsaharienne, 20 % des enfants de 6 à 11 ans ne sont pas scolarisés. Ce chiffre monte à 60 % pour les 15-17 ans.
- Dans 8 pays, surtout situés en Afrique australe, au moins 15 % de la population adulte est contaminée par le VIH.
Ce ne sont que quelques exemples de l’extrême difficulté des conditions de vie en Afrique. Beaucoup considèrent que la migration, notamment vers l’Europe, constitue leur seule chance de s’en sortir.
Finalement, le paradoxe africain réside dans l’insupportable décalage entre la richesse de son sous-sol et l’extrême pauvreté d’au moins 1/4 de sa population. Pour rappel, l’extrême pauvreté qualifie une personne vivant avec moins de 2,15 $ par jour, 64 $ par mois. En 2023, 60 % des humains dans cette situation de précarité immense sont africains.
La démocratisation, une voie vers le développement ?
La démocratisation de l’Afrique pour mettre fin à l’instabilité et aux conflits
L’une des causes premières du mal-développement africain est son instabilité politique et l’omniprésence des conflits violents qui s’y déroulent. Pourtant, le réservoir démographique et le faible coût de main-d’œuvre africaine devraient attirer massivement les investisseurs. Ce n’est pas le cas. En 2022, les IDE (Investissements Directs à l’Étranger) ont atteint 45 milliards de $ pour l’ensemble de l’Afrique. C’est extrêmement faible, lorsque l’on compare ce chiffre aux 35 milliards reçus par le seul Mexique ou aux 20 milliards dont a bénéficié l’Indonésie.
En réalité, guerres et coups d’État constituent des repoussoirs pour les investisseurs et les sociétés qui voudraient délocaliser.
La solution passe sans doute par la démocratisation de l’Afrique, réelle et pérenne. Ce régime politique a bien des défauts, mais il est celui qui protège le plus de la guerre qu’elle soit interétatique ou intraétatique.
La « paix démocratique » est une réalité. Depuis 1945, aucune guerre n’a opposé deux pays démocratiques. Lorsqu’il s’agit d’engager dans une guerre des citoyens électeurs, les gouvernements sont bien obligés d’y réfléchir à deux fois. De plus, un régime de démocratie réelle dispose de contre-pouvoirs permettant d’éviter qu’une décision solitaire ne suffise à plonger un pays en guerre.
Par ailleurs, le système démocratique oblige au dialogue, à la recherche du consensus et au respect du choix majoritaire.
La démocratisation pour mettre fin à la corruption
Nous avons précédemment mis en évidence le sinistre décalage entre la richesse théorique de l’Afrique et la pauvreté bien réelle de sa population. On peut évoquer une mauvaise gestion, le manque de moyens ou la faiblesse des infrastructures. On peut déplorer, bien évidemment, le fait que l’exploitation des richesses du sous-sol se fasse au profit de sociétés étrangères, européennes hier, chinoises, russes ou qataries ou indiennes aujourd’hui.
Mais comment passer sous silence la corruption, le vol et le détournement des richesses opérés par les détenteurs du pouvoir ?
L’ONG Transparency International publie régulièrement son index de la corruption par pays. En 2022, sur les 20 pays les plus touchés par le phénomène de la corruption, 12 sont africains.
L’argent public, l’argent du pétrole ou de l’or, l’argent du cacao ou du coton ne profite pas à la population parce qu’il est détourné au profit d’une minorité au pouvoir. Il s’agit d’un véritable vol organisé, d’un système de prédation, mis en place par les élites au pouvoir, bien souvent avec la complicité des sociétés étrangères implantées sur place.
Ce vol peut s’opérer au profit d’un parti, comme en Algérie avec le FLN. Ce parti se maintient au pouvoir depuis 1962, date de l’indépendance ! Depuis quelques années, les procès pour détournement d’argent se multiplient contre des dirigeants du parti aux manettes localement ou nationalement. La justice a d’ailleurs récemment condamné deux anciens ministres à plus de 10 ans de prison pour corruption avérée.
Cela peut aussi être au profit d’une famille ou d’un clan, comme en Tunisie avec la famille Ben Ali ou au Gabon avec la famille Bongo. La fortune du clan Bongo, renversé par le coup d’État de l’été 2023, est estimée à plusieurs centaines de millions d’euros : placements financiers multiples, biens immobiliers par dizaine acquis en France ou ailleurs, montres de luxes, valises de cash… Tout cet argent vient du détournement de l’argent du pétrole.
Mais la corruption touche tous les échelons du pouvoir et de l’administration. Les fonctionnaires sont des rouages essentiels de cet ensemble. Une vaste enquête menée en 2010 a montré qu’au Kenya ou au Nigeria, 40 % des personnes ayant eu affaire avec la police ont déclaré avoir dû payer un pot-de-vin. À l’échelle de l’Afrique, plus de 12 % des sondés affirmaient avoir été obligés de passer par la corruption pour obtenir un médicament ou un examen médical ; plus de 7 % pour pouvoir inscrire son enfant à l’école. On fait face ici à une corruption liée à la pauvreté, mais aussi à l’absence de règles, de contrôles et de sanctions judiciaires.
On estime à 148 milliards de $ le montant de la corruption pour le continent en 2021. Cela représente 25 % de son PIB…
Or, la démocratie protège, au moins en partie de ces comportements. Si l’on reprend le classement établi par Transparency International, les pays africains dans lesquels la corruption s’avère moindre (mais pas absente) sont les Seychelles, le Botswana, le Cap-Vert, l’Afrique du Sud, la Namibie ou encore le Ghana. Nous avons vu précédemment qu’il s’agit également des pays les plus démocratiques du continent.
Dans un régime démocratique, sans faire preuve d’angélisme, les fonctionnaires sont mieux formés et davantage contrôlés, la justice défend farouchement son indépendance et les dirigeants peuvent avoir des comptes à lui rendre. Le nombre d’anciens présidents en cours de procédure judiciaire le prouve, quel que soit le motif d’accusation (Trump, Bolsonaro ou Sarkozy).
Une Afrique démocratisée serait mieux armée pour faire reculer ce fléau. Moins de corruption, c’est davantage d’argent pour investir, pour satisfaire aux besoins primaires de sa population, pour développer les infrastructures essentielles…
Un lien pourtant discuté
La corrélation entre démocratisation et développement en Afrique, comme ailleurs, suscite toujours beaucoup de débats. Diverses études tendent à remettre en cause ce lien.
Et en effet, le développement ne dépend pas toujours de la démocratisation. En Asie, la Chine s’est hissée au 2e rang économique mondial, sans démocratie. Singapour a connu son essor sous un régime autoritaire. En Europe, le développement économique de la France au XIXe siècle doit beaucoup au Second Empire de Napoléon III pourtant fort peu démocratique.
À l’inverse, la démocratisation n’entraîne pas toujours le développement. Nous l’avons vu avec la vague démocratique africaine des années 90 qui n’a pas eu pour conséquence le développement des pays qui avaient pris ce virage.
Pour autant, le développement économique d’un pays nécessite une pleine implication de ses citoyens dans un effort commun. Or, cette implication ne sera réelle que si la société civile est assurée de la pérennité de l’activité économique et de la juste redistribution des richesses produites. Il faut également que les citoyens soient réellement associés aux processus de prise de décision et aux choix faits par les dirigeants politiques.
En somme, le décollage économique d’un pays nécessite de la stabilité politique, une corruption marginale et judiciairement sanctionnée, une culture du dialogue et de l’acceptation du choix majoritaire. Ne sont-ce pas là les caractéristiques d’un régime démocratique ?
Le continent africain dispose d’atouts formidables qui devraient lui permettre d’assurer une vie meilleure à sa population et de prendre toute sa place dans la mondialisation. Force est de constater que ce n’est pas le cas. Nombre de nations, une majorité, sont prises dans la tourmente des conflits, de la corruption et d’une pauvreté endémique.
Les causes sont nombreuses et le passé/passif colonial pèse lourd sans aucun doute. Mais la décolonisation date d’il y a plus de 60 ans…
En réalité, le futur de l’Afrique est entre les mains de ses habitants et des dirigeants qu’ils voudront bien se donner. La démocratisation n’est sans doute pas la seule la clé du développement de l’Afrique. Mais c’est le meilleur des régimes pour assurer la paix, la justice et une redistribution des richesses plus égalitaire. Paix, justice et redistribution constituent d’indispensables ferments pour un développement économique durable.
Démocratisation et développement en Afrique semblent donc bien devoir se conjuguer.
Excellente analyse bien documentée ! Mériterait une publication dans un hebdomadaire …
Merci beaucoup pour votre commentaire Minok. Peut-être un directeur de publication passera-t-il dans le coin 😉